À la Une: Poutine, un tsar aux pieds d’argile

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« Tout ceci n’a aucun sens, reconnait Libération. Il est très difficile d’écrire cette phrase dans un journal. Mais soyons honnêtes : s’il est possible d’expliquer le coup de force d’Evgueni Prigojine et sa cavalcade vers Moscou, affirmer que l’on y voit clair dans la volte-face du chef du groupe de mercenaires Wagner serait mentir. La conclusion de cette folle journée de rébellion nous a laissés avec plus de questions que de réponses, pointe le journal. Pourquoi l’avancée spectaculaire de la colonne de Wagner s’est-elle transformée d’un claquement de doigts en la mutinerie la plus courte de l’histoire russe ? Pourquoi faire demi-tour à 200 kilomètres de Moscou ? Qu’a obtenu l’ancien cuistot de Poutine pour accepter l’humiliation de la défaite, un exil à Minsk et une vie sous la menace d’un empoisonnement ? Pourquoi quitter Rostov-sur-le-Don en héros avec un tel sourire aux lèvres ? Tout ceci n’a aucun sens, insiste encore Libération. Il en existe sans doute un pour Poutine et son ancien fidèle, mais il nous faudra encore patienter pour le savoir. »Humilié et affaibliCe qui est sûr, affirme Le Parisien, c’est que « Vladimir Poutine est aujourd’hui un tsar aux pieds d’argile. Le maître du Kremlin qui martyrise l’Ukraine et fait trembler le monde est un chef humilié, bafoué aux yeux de tous — et des Russes en particulier — par son ancien cuisinier mué en seigneur de la guerre, bousculé par sa créature devenue rival incontrôlable. Même si dans cette Russie poutinienne plus opaque encore que le système soviétique d’antan, d’innombrables questions demeurent sans réponse, à commencer par celles d’une éventuelle complicité entre le président et le chef de Wagner, d’un improbable scénario coécrit et orchestré par les protagonistes, des évidences s’imposent. Le roi est nu, s’exclame encore Le Parisien, la population ne savait même pas hier soir s’il se trouvait à Moscou ou s’il avait fui. L’État central paraît vacillant, le régime fissuré, éclaté en autant de forces centripètes que d’armées aux allégeances fluctuantes et de milices privées aux ambitions dévorantes. »Le doute s’est insinué…Ce « spectacle surréaliste donné par la Russie apparaît comme le symptôme d’un mal plus profond, renchérit Le Figaro. En piétinant les institutions depuis deux décennies, Poutine a lui-même amorcé la décomposition de l’État russe – sa guerre en Ukraine ne fait qu’accélérer le pourrissement. Si le Kremlin misait sur la lassitude des Occidentaux, il vient de leur donner une bonne raison de tenir bon, au côté des Ukrainiens. Poutine a tremblé, et ça s’est vu. »En effet, dans une tribune publiée par Le Monde, la spécialiste des sociétés post-soviétiques, Anna Colin Lebedev, affirme que « cette affaire ne restera pas sans suites, même si le contrôle formel a été rétabli sur les mercenaires Wagner et les territoires qu’ils ont traversés. La guerre transforme les fondamentaux du système politique russe, en dépit de l’attachement farouche de Moscou à affirmer le contraire. Le pouvoir peut tenter de colmater les brèches, mais le doute s’insinue, affirme encore Anna Colin Lebedev, se diffuse et peut altérer l’allégeance au régime, notamment chez ces élites qui observent avec attention ses moindres frémissements ».Serrage de vis ?Reste que pour l’instant, « affaibli et menacé jusque dans son intégrité physique, Poutine n’en demeure pas moins au pouvoir, constate La Charente Libre. Et, il est à redouter que sa volonté de s’y maintenir passe tout à la fois par un rapprochement des radicaux et la réaffirmation de sa politique guerrière. Non seulement le faux coup d’État ne changera pas la situation en Ukraine, mais il risque d’amplifier les combats. Idem en Afrique où certains pays qui ont remis leur destin entre les mains de la milice Wagner pourraient payer au prix fort la déchéance de Prigojine. Derrière la comédie russe de ce week-end, conclut le quotidien charentais, c’est un monde encore plus dangereux qui se dessine ».Et « la plus grande inconnue reste la réaction de Vladimir Poutine, relève Le Courrier Picard. Affaibli, il devient d’autant plus imprévisible et dangereux. Le propre des crises en Russie est souvent de déboucher sur une reprise en main brutale par le pouvoir attaqué ».

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