Recrutement de scientifiques nazis : « Le problème, c’est qu’on n’en parle pas et qu’on raconte une autre histoire. » Entretien avec le documentariste Michel Tedoldi
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Le miracle des Trente Glorieuses reposerait-il un peu, beaucoup, sur la contribution active - et occultée- de scientifiques allemands, certains nazis, recrutés et très bien traités par les autorités françaises après la Seconde Guerre mondiale? L'histoire de Paperclip, cette vaste opération américaine visant à siphonner les meilleurs cerveaux allemands au lendemain de la guerre, est très bien documentée. Le légendaire père du programme spatial américain, Wernher von Braun, nazi patenté, membre du parti dès 1937 et inventeur du premier missile balistique, le V2, est accueilli à bras ouvert par ses parrains américains trop heureux de recycler son petit « fond de commerce ». La raison d'État ne connaît aucune morale! Des milliers d'autres chevilles ouvrières du régime hitlérien vont refaire leur vie chez l'oncle Sam et contribuer à étendre son nouvel empire. Cette histoire, on la connaissait donc assez bien. Son pendant français était, à ce jour, plutôt ignoré. Le scénariste et documentariste Michel Tedoldi est le premier à faire un travail d'investigation en profondeur et à documenter cette filière allemande qui vient très discrètement appuyer l'industrie française jusqu'au début des années soixante. Les secteurs de l'aéronautique, de l'automobile et de l'aérospatial sont particulièrement redevables de cette contribution « Made in Germany » camouflée. Le coq qui cache un aigle! On comprendra les autorités de l'époque qui ne se vanteront pas trop de cette récolte qui aurait profondément choqué l'opinion publique. « Un type comme Otto Ambros, c'est fabuleux. C'est un ingénieur qui travaillait à Auschwitz, c'est lui qui a mis au point le Zyklon B. Donc il est responsable directement de l'anéantissement de centaines de milliers de personnes ? Et ben, on l'a embauché. Après, les Américains l'ont réclamé. Pendant 2 ans, on l'a embauché, il a travaillé avec les Français. » Tedoldi estime que de 4 à 5 mille scientifiques, ingénieurs et techniciens allemands ont participé à faire carburer les industries de pointe françaises après la guerre. Une histoire fascinante racontée dans le livre Un pacte avec le diable, publié aux éditions Albin Michel.